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 Photo AFP

Paris Saint Germain – Autopsie d’un crash

31 aout 2021. Minuit.

Paris cloture son mercato estival. Un mercato interstellaire. Hakimi, Donnarumma, Wijnaldum, Nuno Mendes, Sergio Ramos, Messi.

Oui. Léo Messi, le génial Argentin six fois ballons d’or, l’enfant de Rosario éduqué par la Masia, devenu l’âme du FC Barcelone, est arraché à son Camp Nou. La faute à un Barça exsangue. Paris était prêt, Paris a obtenu sa signature.

En ayant atteint en 2020 la finale de la ligue des champions et en 2021 les demi finales, Paris s’est stabilisé sur la scène continentale. Il était temps, penseront les supporters. Car si l’ère Qatarie est marquée par une domination quasi sans partage sur la scène nationale, le récit européen s’est construit dans la douleur.

Rembobinons la pellicule.

1/ Une histoire européenne contrariée

On avait imaginé en 2011 qu’avec ses moyens illimités, Paris serait rapidement en mesure de jouer la victoire finale en ligue des champions. Il n’en fut rien, et les premières années permettent de mesurer l’écart à combler avec les géants historiques.

2013 face à Barcelone (2-2, 1-1), 2014 face à Chelsea (3-1, 0-2), 2015 de nouveau face aux blaugranas (1-3, 0-2) : le PSG se heurte au plafond de verre des quarts de finale. Et l’Europe s’en amuse, heureuse de voir cette nouvelle superpuissance financière mise en difficulté. En 2016, Paris semble enfin en mesure de passer l’obstacle face à City. Après un 2-2 à domicile, Paris se présente à l’Etihad Stadium pour tenter d’arracher la qualification en demies. Le pari raté du 3-5-2 d’un Laurent Blanc englué dans l’affaire Aurier aura raison des ambitions parisiennes et scellera le sort de l’entraineur. Pour la quatrième fois consécutive, le Paris Saint Germain ne dépasse pas les quarts de finale.

De quoi alimenter les sarcasmes des détracteurs du club de la capitale. Les copains de la FFL programment même un an à l’avance les défaites parisiennes. Et la frustration des supporters grandit. Pas seulement parce que le club cale, mais aussi devant le scénario de certaines défaites. En 2014, Demba Ba punit les rouges et bleus à la 87eme minute pour avoir refusé le combat après un match aller brillant. Contre City en 2016, le choix tactique incompréhensible de Blanc met fin aux ambitions du club. Et l’attitude parasite d’Aurier est mal gérée en interne. Dans un effectif que le board a du mal à cadrer. Paris ne manque pas de talent, mais, déjà, on sent sa force de détermination s’effriter dans l’adversité.

Pour faire franchir un cap au club, la direction se tourne vers un entraineur rompu aux joutes européennes. Auréolé de ses trois ligues Europa consécutives, Unai Emery débarque à Paris à l’été 2016. Ibrahimovic, à qui on a reproché son incapacité à peser dans les très grands matchs, n’a pas été retenu. Charge à Cavani d’occuper la pointe de l’attaque. Et le 14 février 2017, ce dont tout un peuple de supporters rêvait depuis tant d’années s’accomplit enfin. Paris corrige au Parc des Princes un géant européen. 4-0 dans la musette du FC Barcelone. Celui de la légendaire MSN. Celui qui avait stoppé net les parisiens en quart à deux reprises. Ça y est, Paris a su se hisser au niveau de la compétition reine. Le match retour au Camp Nou ne sera qu’une formalité et Paris se présentera en quarts de finale renforcé mentalement, après avoir terrassé un géant.

Las, le 6 mars 2017, s’écrit une des pages les plus cruelles du roman européen. A l’issue d’un match abominable, assaisonné d’un arbitrage indigne, Paris s’incline 6-1 et prend la porte. Ce qui frappe au-delà de la défaite, c’est l’attitude des joueurs. Liquides. 3 buts encaissés dans les 8 dernières minutes, sans réussir à enchainer deux passes. Sans révolte. Après avoir été à une passe de Di Maria du 3-2. L’humiliation est totale. Les supporters giflés, sonnés. Paris n’ira pas en quart de finale. Paris a perdu avec 100% de chances de qualifs.

La direction ne va pas tarder à réagir. A l’été 2017, le PSG punit Barcelone en faisant sauter la banque pour payer la clause de son virevoltant brésilien. Ney est le nouveau prince du Parc. Et le dernier jour du mercato, un tout jeune joueur qui vient d’éclabousser l’Europe de son talent avec l’ASM est arraché au Real qui lui tendait les bras. Autour de 400 millions investis pour réveiller l’espoir. Et pendant la première partie de saison, on est tenté d’y croire, tant le brésilien tutoie les étoiles. Mais quelques jours avant d’aborder le 8eme de finale face au Real Madrid, patatras, Ney se casse le pied contre l’OM au Parc. Au pire moment. Sans son génie Brésilien, la machine a gagner de Zidane ne fait qu’une bouchée des ambitions parisiennes.

L’année suivante, Tuchel a remplacé Emery. Après une phase de poules difficile aux côtés de Naples et Liverpool, Paris arrache son billet pour les 8emes. Mais le 24 janvier 2019, en coupe de France contre Strasbourg, le scénario qu’on n’aurait pas même osé écrire à Hollywood prend vie devant des supporters incrédules. Ney rechute. Le métatarse, mal cicatrisé, se brise de nouveau. Une nouvelle fois, celui qui devait être le facteur X parisien manquera à l’appel des phases finales de la ligue des champions. Peu importe, Mbappé prend de l’épaisseur, et le collectif de Tuchel a muri tactiquement. Victoire 2-0 à Manchester United avec la manière. Kylian tord le cou aux démons parisiens. On veut le croire. Man U se présente au match retour avec une équipe décimée par les blessures face à une équipe sûre de sa force. Qui va offrir à ses supporters une nouvelle déroute. Tout y sera : la boulette de Buffon, la nonchalance, puis la panique. Un penalty de Rashford à la 94e et Paris prend la porte. Encore. Et encore. Et encore. Le scénario, de nouveau, est ahurissant. Les supporters, encore, mangent un pain beaucoup trop noir.

2/ Paris se rapproche

Et enfin, l’éclaircie. En 2020, Tuchel, Neymar et Mbappé se débarrassent en 8eme de finale de Dortmund en s’imposant avec autorité au Parc 2-0, malgré une défaite au match aller. Les supporters privés de Parc exultent. Il était temps. La compétition prendra la forme d’un final 8 inédit en raison du Covid. Solide, conquérant, chanceux, porté par le roi Ney, Paris se hisse en finale de ligue des champions contre le Bayern. Ces allemands là étaient trop forts mais peu importe, le club progresse enfin.

2021, Le PSG de Mbappé dynamite l’ennemi intime dans son antre du Camp Nou avant de tenir le 1-1 au retour, puis va punir le Bayern sous la neige Munichoise avant de résister à la furia bavaroise dans son Parc. La marche pour faire plier le City de Guardiola en demie est trop haute, mais ça y est : une finale puis une demie finale de ligue des champions en deux ans, Paris est devenu grand. Ça y est, il peut regarder les meilleurs clubs européens dans les yeux.

Enfin, le club s’est débarrassé d’une partie de ses démons et a lavé, au moins un peu, les erreurs, les débâcles, les accidents du passé.

On a bien conscience que la valse des coachs révèle de réels dysfonctionnements internes, on sait le pouvoir des joueurs, leurs caprices, leurs liens trop privilégiés avec la direction. On sait que le club est parfois contraint de surpayer des joueurs parfois moyens pour les convaincre d’intégrer un championnat moins glamour avec le club de la capitale, et qu’en cas d’erreurs de casting, et il y en a eu beaucoup, ces mêmes joueurs se gavent dans la capitale sans recours possible que d’attendre la fin de leurs contrats. Mais malgré tout, le club est arrivé là où il devait être. A un pas du titre suprême.

C’est dans ce contexte que le mercato de l’été 2021 commence. Le but ? Renforcer des postes laissés à l’abandon depuis quelques années. Trouver des latéraux, renforcer le milieu orphelin d’un Motta qui n’a jamais été remplacé. Garder Ney et Mbappé. Et Léonardo semble faire le job. Le meilleur latéral droit du moment débarque de l’Inter, un jeune latéral gauche très prometteur rejoint Bernat qui finit son interminable convalescence. Wijnaldum, le capitaine néerlandais, titulaire indiscutable du Liverpool vainqueur de la ligue des champions en 2019, rallie la capitale au nez et à la barbe des catalans. Choix plus discuté, le meilleur joueur de l’euro vient pousser Navas vers la sortie. Autre pari, le taulier de Madrid Sergio Ramos vient apporter son expérience et son leadership en défense.

Et, donc, Messi.

Probablement un des recrutements les plus impressionnants jamais réalisé sur le papier. Un effectif galactique. Un investissement financier monumental sur le plan salarial. La hype est titanesque. Mbappé, lassé de ne pas être le centre d’un projet dont il s’estime le leader, demande son départ à Madrid ? Peu importe. Refus catégorique de la direction Parisienne. Même pour 200 millions, il ne partira pas.

L’attaque sera composée de Messi, Neymar, et Mbappé. Le coup marketing est gigantesque. Le monde a les yeux braqués sur Paris. A chaque ligne, de l’expérience et du talent. Tâche au chef d’orchestre Pochettino de mettre en musique tout ce petite monde, mais il ne fait aucun doute que Paris est un des favoris à la conquête de la ligue des champions.

Rien ne va se passer comme prévu.

3/ La chute

Gêné dans sa préparation par la présence durant l’été de l’Euro et de la Copa America, l’effectif tarde à être prêt. La saison commence sans Messi, hors de forme. Le 2-0 contre City donne quelques raisons d’espérer, mais les purges se multiplient avec des victoires arrachées au talent. Le niveau stratosphérique de Mbappé y est pour beaucoup.

En attaque, la MNM peine à se mettre en place. Le 24 novembre contre Man City, les trois attaquants sont alignés ensemble seulement pour la sixième fois. Les combinaisons commencent à apparaître, mais le 28 novembre, Ney se blesse gravement à Saint Etienne. Indisponibilité 3 mois. Malheureusement, Messi tarde à prendre ses marques. Son influence sur le jeu n’est pas aussi importante qu’espérée, ses replis défensifs inexistants, son coup de rein disparu. Son ballon d’or reçu à l’automne est loin d’être le plus mérité, et s’il l’est ça n’est certainement pas au vu de ses performances parisiennes. Mais il insiste, et trouve progressivement ce rôle de rampe de lancement au service de la fusée Mbappé. Kylian, lui, réalise la saison de sa vie. Inarrêtable, il assume pleinement son costume de leader numéro 1.

Au milieu, Verratti est seul. Particulièrement quand Ney n’est plus là pour l’aider. Paredes est mis sur la touche après une mi temps indigne contre Bruges en septembre, Gueye et Herrera manquent de qualité technique, Wijnaldum ne s’adapte pas à sa nouvelle équipe, et sombre totalement à partir de janvier. Danilo, malgré ses limites, s’impose peu à peu comme titulaire.

En défense, Marquinhos est intouchable. Après un début de saison difficile, Kimpembe revient progressivement à un niveau satisfaisant. Heureusement, parce que le recrutement de Ramos est un fiasco. Gêné par son mollet, il ne dispute que 2 petits matchs de championnat. Si les latéraux tiennent globalement leurs couloirs, leur apport offensif reste limité.

Car tactiquement, Pochettino a des difficultés à trouver la solution. L’équipe est déséquilibrée, souvent coupée en deux, la création au milieu limitée, les latéraux bridés. On s’attendait à du football champagne. On voit des matchs poussifs gagnés sur le fil par le talent individuel de Mbappé. La profondeur de banc est limitée par le naufrage d’Icardi, Wijnaldum ou la nonchalance de Draxler. Di Maria est au crépuscule de sa carrière. Pochettino se refuse à utiliser les titis, comptant sans doute sur un sursaut de ses tauliers pour préparer les échéances européennes.

Fin janvier, il y a toutes les raisons d’être inquiet. Paris n’y est pas. Madrid les attend en huitième de finale de ligue des champions, et malgré la constellation de stars parisiennes, l’équipe a rarement semblé aussi fragile. Les matchs de ligue 1 sont d’un ennui mortel. Pourtant on espère. On espère que l’arrivée des grandes échéances va apporter ce surplus de motivation, on espère que la mayonnaise Maurice va prendre, et on sait que Mbappé peut faire basculer un match à lui tout seul.

Et finalement, Paris va donner raison aux optimistes. Le match aller au Parc est une démonstration collective. La défense est verrouillée à double tour, les latéraux dévorent enfin leurs couloirs, Verratti règne sur le milieu de terrain, aidé par un Danilo soldat et un Paredes retrouvé. Devant, lancé par Messi ou Di Maria, Mbappé leur fait tout. C’est lui qui sur une passe de Neymar, rentré pour les dernières minutes, récompense Paris pour son excellent match. 1-0. Pas cher payé pour Madrid. On regrette le manqué de Messi sur Penalty. Mais Paris a dominé Madrid dans tous les secteurs de jeu.

Paris pousse un soupir de soulagement. Oui, la saison en ligue 1 est pénible, sans génie. Oui, l’équipe a d’ordinaire un équilibre défensif fragile. Mais quand ça compte, ces joueurs sont capables d’élever leur niveau pour marcher sur un titan comme Madrid. C’est agaçant de les voir choisir leurs matchs, mais on avait fini par penser qu’ils n’avaient tout simplement pas le niveau. L’horizon s’éclaircit.

Et le retour va confirmer l’impression du match aller. Paris domine de nouveau son adversaire et plie le 8eme de finale avant la mi temps, sur un but de l’inévitable Mbappé.

Jusqu’à la 61e minute, quand Donnarumma se fait bêtement avoir par Benzema. 1-1. Paris est toujours qualifié dans un match qu’il domine de la tête et des épaules. Mais non. Le but madrilène brise net les pieds d’argile du colosse parisien, qui s’effondre instantanément. En 20 minutes, Benzema détruit Paris. La porte.

4/ La colère

Qu’a-t-on vu durant les 30 dernières minutes du match ? Une équipe terrifiée, liquide. Une équipe qui ne savait pas quoi faire, qui ne savait plus comment se battre. Une équipe qui prend un but 11 secondes après le coup d’envoi. Une absence de leader, une absence de caractère. On a vu le capitaine Marquinhos couler avec son équipage, réalisant son plus mauvais match à Paris au plus mauvais moment. On a vu le milieu sombrer et les attaquants disparaitre. N’existaient plus que les vagues d’une équipe madrilène qui était largement dominée jusque là.

Qu’a-t-on vu ? On a vu les fantômes du but de Demba Ba, du pointu de Sergi Roberto, du penalty de Rashford. On a vu un retournement impossible devenir réalité. On a vu ressortir de l’abîme les démons parisiens, on a ressenti le goût amer de la honte et de l’humiliation face à l’Europe du football.

Qu’a-t-on vu ? La conséquence d’une équipe créée pour divertir, pas construite pour vaincre. On a vu le talent et la volonté des parisiens disparaître au premier événement contraire. On a vu l’équipe galactique issue d’une politique marketing se crasher sur un collectif expérimenté qui n’a jamais abandonné.

Pour comprendre la colère d’un supporter parisien, il faut comprendre son histoire ces dix dernières années. L’histoire de ses espoirs déçus, de son équipe qui déraille, qui lâche, qui craque. L’histoire de ces scénarios terribles que seul Paris sait inventer. L’histoire de son rêve qui semblait à portée de main de remporter la coupe aux grandes oreilles. Comprendre qu’il s’en veut d’avoir rêvé après le match aller.

Comprendre qu’aujourd’hui, la politique commerciale qui a permis de développer la marque PSG à l’international, prend un tel espace dans la politique sportive qu’elle interdit le développement d’un collectif fort et équilibré dépendant sportivement de son seul entraineur.

Comprendre que les réseaux d’influence en compétition au sein même du club font du travail de l’entraineur une mission impossible.

Comprendre qu’une équipe qui choisit ses matchs au gré de son humeur ne marchera jamais sur l’europe.

Comprendre que le collectif créé par Tuchel était un immense tour de force, et une anomalie dans l’histoire parisienne récente.

Alors évidemment, on siffle. Et qui voulez-vous siffler ? Qui a été la tête de gondole du projet depuis l’été 2021 ? La MNM. Et ces derniers mois, Messi et Ney ont été très loin de leur meilleur niveau.

Alors oui, on siffle sans honte un septuple ballon d’or, parce que le respect pour une carrière passée n’empêche pas d’attendre infiniment plus de l’argentin. On siffle Ney parce qu’il nous a déçu autant qu’on l’a adoré. On les siffle parce qu’on en attendait tellement cette année et qu’on a eu si peu. On les siffle parce qu’ils sont la représentation sur le terrain de la politique sportive du club, qui subit un échec cuisant cette année. On siffle parce que cette défaite rouvre des plaies qu’on avait eu du mal à fermer. On siffle parce qu’on aime le club et qu’il est temps de faire le ménage.

Epilogue

L’été prochain, Mbappé pliera probablement bagage. Le chantier de l’attaque sera ouvert, en plus de celui du milieu de terrain qui n’a jamais été réglé. Ney et Messi seront toujours là, avec leur salaire. Seront-ils capables de revenir à un niveau qui s’approcherait de leurs meilleures années ? Il n’est pas interdit d’y croire, mais le temps presse.

Paris sera-t-il prêt à enfin se munir d’un duo directeur sportif-entraineur complémentaire, puissant, à qui il laissera les mains libres ?

Sera-t-on prêt à laisser les clefs du recrutement dans les mains de ceux qui créeront l’équipe sur le terrain ?

Sera-t-on prêt à assainir les circuits de décision du club, à remettre les joueurs sous la responsabilité seule de l’entraineur, à en finir avec les passe droits qui minent le collectif parisien ?

Si Paris a appris une chose ces dix dernières années, c’est qu’à toutes ces questions, il faudra répondre oui.

Car c’est seulement à ce prix qu’il sera possible de recréer une équipe prête pour le combat.

Nous, on sera toujours là.

Allez Paris