Il y’a 23 ans, l’équipe dirigeante du Paris-Saint-Germain tentait de mettre en place un osé mais alléchant « Projet banlieue » avec en tête d’affiche, le revenant Nicolas Anelka. Le club comptait surfer sur la réussite de le génération ” Black, Blanc, Beur “. En cette période de mercato, à l’heure ou le projet ” Ile de France ” articulé autour de Kylian Mbappé a beaucoup circulé, on vous projette plus de 20 ans en arrière, aux premières loges de ce « Projet banlieue ».
Nous sommes le 22 Juillet 2000. Le PSG dispute un match amical, au Parc des Princes, contre le club brésilien des Corinthians. A la mi-temps, sensation : le président Laurent Perpère présente sa nouvelle recrue. Un revenant, un enfant de Paname et de sa banlieue. Vous l’avez ? Mais si, il a 21 ans, vainqueur de la Ligue des Champions avec le Real Madrid et de l’Euro 2000 avec l’Equipe de France.
Evidemment, il s’agit de Nicolas Anelka, de retour au club contre 215 Millions de francs. Lunettes de soleil vissées sur le crâne, le fameux débardeur « en peau de mouton » et jambe droite de pantalon relevée a moitié. Nico est de retour dans son club formateur avec une dégaine bien “street”, bien “banlieue”, qui colle parfaitement avec le nouveau projet du club. Ce projet était le suivant : recruter des jeunes joueurs français issus de l’immigration, à très fort potentiel, et en faire un club qui rassemble et ressemble à toute une région. Ce PSG, c’était celui de l’été 2000.
De gros moyens pour développer le « Projet banlieue »
Nicolas Anelka est LA star de ce qui est censé être une nouvelle ère. Il est LA star d’un recrutement, à l’époque, incroyable (plus de 500 millions de francs dépensés). Son recrutement dépasse le cadre sportif. Quelques mois avant son arrivée, la perspective de celle-ci peut « ouvrir de nouveaux horizons en Ile de France » dit-on au sein du club. Car le nouveau numéro 9 du club va ouvrir le bal. Après lui, Stéphane Dalmat, Sylvain Distin, Peter Luccin ou encore Bernard Mendy rejoignent la capitale. Ils sont jeunes, ambitieux, veulent être les Princes du Parc, les étandards de la région et régner sur le royaume de la D1.
Durant cet été 2000, Laurent Perpère ose même s’avancer sur les ambitions du club : « Le titre et les quarts de finale de Ligue des Champions ». Rien que ça. Il faut dire qu’après avoir racheter Anelka pour une somme quarante-quatre fois plus élevée que sa vente à l’époque, tous les rêves sont permis. « C’était important d’avoir quelqu’un qui représente Paris et ses origines. » , rajoute même le président Perpère. La vision est partagée par le champion d’Europe : « Je représente la banlieue parce que je viens de Trappes. Il y a un travail à effectuer auprès des jeunes de banlieue qui veulent réussir. Et on va travailler ensemble pour aboutir à quelque chose ». Dans l’idée, donc, on veut montrer qu’être issus de la banlieue peut AUSSI être un marqueur de réussite.

Grandes ambitions , grands débuts …
Avant même le début de la saison, les ambitions sont affichées. On est confiants côté parisien. Stéphane Dalmat, tout juste arrivée de l’OM, se mouille. « Avec tous les efforts consentis au niveau du recrutement, il nous faut au moins un titre de champion ou les deux Coupes nationales. Car la C1, ça semble difficile. On a une grosse pression, on va nous mettre l’étiquette de favoris, et c’est normal. À nous d’assumer. » La pression, c’est Philippe Bergeroo, entraîneur de l’époque, qui va devoir la supporter. S’il a connu deux ans auparavant l’épopée France 98 au sein du staff d’Aimé Jacquet, il n’est pas pour autant habitué à gérer ce genre de groupe et de « stars ».

En début de saison, sa tactique repose sur un 4-4-2 en losange. Peter Luccin occupe la pointe basse du losange, suppléé par Laurent Robert et Stéphane Dalmat sur les côtés. En numéro 10, le nigérien Jay-Jay Okocha sera chargé d’alimenter les deux avant-centres Christian et Nicolas Anelka. Et comme prévu, ça envoie ! Du moins, ça démarre fort ! Sept matchs, dix-sept buts ! Stéphane Dalmat s’illustre rapidement avec un magnifique but face à Rennes (vidéo). Le PSG banlieue est paraît lancé. C’est rapide, vif, dynamique.

Rosenborg , l’apothéose …
Au fil des semaines, Philippe Bergeroo semble de plus en plus douter dans ses compositions. Entre Dalmat, Okocha ou Benarbia, le choix est difficile. Comment jouer avec ces trois meneurs, trois fortes têtes ? Ali Benarbia sera même écarté du groupe après un déplacement à Munich pour avoir passé une partagé sa chambre avec un amie à la veille du match. En attendant, l’équipe tourne plus ou moins bien. La force offensive de ce groupe fait le taff malgré un manque de sérieux flagrant en interne. C’est souvent ce qui arrivé lorsqu’un groupe manque de leader. Le taulier Bernard Lama n’est plus là. C’est à Frédéric Dehu que revient ce rôle de grand-frère. C’est lui qui est chargé d’encadrer cette jeunesse à qui on a (trop) rapidement dressé des lauriers.
Bref, nous sommes le 24 Octobre 2000. Soir de Ligue des Champions. Parc des Princes. Le Paris-Saint-Germain affronte Rosenborg et devient la première équipe de l’histoire de la Ligue des Champions à inscrire 7 buts à domicile (victoire 7-2). Doublé d’Anelka, but de Luccin. Les recrues cartonnent. Cette soirée est retentissente. Peut-être un peu trop…
Le revers de la médaille
Le risque, quand vous encensez un groupe de jeunes ” pépites “, que vous les voyait un peu trop beau, un peu trop rapidement, c’est qu’ils dérapent. Le risque, c’est que la tête se mette à gonfle, à tourner un peu trop vite. Et après ce match face à Rosenborg, c’est ce qu’il se passe chez la bande à Nico ! Trois jours après le mythique 7-2, Bordeaux vient doucher le Parc en s’imposant 2-1 sur un doublé d’un certain … Pedro Miguel Pauleta. Ça y’est ! Nous sommes à peine à la moitié de l’automne, et le PSG pointe à une triste 7ème place. Les espoirs de l’été sont déjà bien fanés.
Dans ce début de tempête, le coach Bergeroo perd petit à petit le contrôle des évènements. Au sein du groupe, on ne sait plus qui est le chef. C’est un bordel sans nom ! Imaginez-vous tout de même qu’en plein mois de Novembre, Nicolas Anelka, sur son site internet, rédige un édito adressé à son entraîneur, pour lui demander de jouer avec un meneur de jeu. L’attaquant va plus loin puisqu’il glisse le nom de son ami Fabrice Abriel, alors en réserve, pour occuper le poste. Ce à quoi Philippe Bergeroo répond en conférence de presse : « Si je commence à prendre les cousins et les amis, on va finir à vingt-cinq… » Plus personne ne contrôle personne.
Changement radical …
Dès lors, un nom, et un seul, vient en tête des dirigeants pour redresser la barre. Celui de Luis Fernandez. Champion d’Europe quatre ans plus tôt avec le club. Au chômage à l’époque, il est dans la tête des décideurs parisiens le seul qui pourra piloter la Ferrari parisienne, lui l’enfant des cités lyonnaises. Son arrivée se concrétise après une ultime humiliation à Sedan (défaite 5-1 ). Bergeroo est limogé, merci, au revoir. Au soir de ce match, le PSG est 10ème et Luis est rappelé dans la nuit.
Cependant, l’effet n’est, pour le moment, pas immédiat. Trois jours après son intronisation, c’est un rendez-vous chaud bouillant à Galatasaray qui attend la troupe de Luis Fernandez. Et pour bien montrer qui est le chef, qui décide, Luis change tout ! Enfin du moins la tactique, si ce n’est le résultat. Au revoir le 4-4-2, bonjour le … 3-6-1 ! Réelle conviction ou simple besoin de tout bouleverser ? Toujours est-il que cette première en Turquie est ratée (défaite 1-0). Cinquième défaite consécutive. Les jeunes qui avaient la main mise sur le vestiaire pensaient avoir enfin trouvé un grand-frère capable de les encadrer. Ils auront finalement affaire au père fouettard.
Rapidement, Luis fait de Luccin, Robert et Dalmat ses têtes de turque. Ce dernier prendra d’ailleurs la direction de l’Inter Milan en échange du brésilien Vampeta, lors du mercato hivernal, seulement 6 mois après son arrivée. Dans le même temps, Benarbia fait son retour dans l’équipe et Fernandez hispanise son vestiaire avec les arrivées de Mauricio Pochettino, Enrique De Lucas et Mikel Arteta. Dans le même temps, les anciens Didier Domi et Mickael Madar retrouvent Paris.

Le « Projet banlieue » , un échec définitif
Luis Fernandez a tout bouleversé lors de ce mercato hivernal. Pour autant, rien n’y fait. L’équipe s’enlise dans des prestations médiocres et humiliations en tout genre. On retient notamment ce PSG-Auxerre en Coupe de France (0-4, 0-2 au bout de 5 minutes) ou encore le fameux déplacement à La Corogne où Paris en prend quatre alors que le club menait 3-0 (défaite 4-3). En point d’orgue, la réception de Galatasaray au Parc, match arrêté à la pause après des incidents entre les supporters turcs et le virage Auteuil (56 blessés). C’est la Bérézina. Le chaos total. Le club termine à une désolante 9ème place, aucun titre et une élimination piteuse en Ligue des Champions. Navrante, déprimante, affligeante … Les mots ne manquent pas pour qualifier la saison Rouge et Bleue.
Et en point d’orgue de cette saison, histoire d’achever la bête, Nicolas Anelka se livre à L’Equipe avant ses vacances et charge son coach. « Quand Luis est arrivé, le doute était déjà installé. Et après, c’est allé en empirant… Nos entraînements manquent de jus. Il n’y a pas de plan de jeu, aucun décalage, rien… ». Sympa. De là naîtra une relation tumultueuse entre ces deux fortes têtes que sont Nico et Luis. Ce qui inspirera « Les Guignols de l’Info » pendant des mois au début des années 2000 (vidéo).
La relation tendue entre Nicolas Anelka et Luis Fernandez avait à l’époque inspiré les ” Guignols de l’Info “. Extrait.
Toujours est-il qu’à l’aube de la saison 2001 – 2002, personne n”est inquiet pour le PSG malgré cette saison raté. A la poubelle le projet banlieue, bonjour la pépite Ronaldinho Gaucho ! Le jeune crack brésilien officialisé en Janvier 2001 débarque enfin. Et la nouvelle attraction du Paris-Saint-Germain, le nouvel espoir… c’est lui ! Ronaldinho !
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